Marion est une mère monoparentale d’une jeune fille de deux ans. Désireuse d’habiter à Montréal, elle signe un bail résidentiel à durée fixe avec Jonathan, propriétaire d’un immeuble. Le bail lie les parties du 1er novembre 2014 au 30 juin 2015 au loyer mensuel de 1200$. Le 20 novembre 2014, la fille de Marion commence à éprouver des problèmes respiratoires. Le 14 mai 2015, elle doit se rendre à l’hôpital, où les pathologies médicales ont permis de déterminer que ces problèmes de santé seraient inhérents à un empoisonnement de l’air. Le 21 mai 2015, des professionnels inspectent le logement de Marion et déterminent que l’air, contaminée de par la présence de moisissures, représente un grave danger pour la santé et que Marion et sa fille doivent quitter les lieux.
Le jour-même, Marion quitte le logement sans en aviser Jonathan et en informe le concierge de l’immeuble le 2 juin 2015. Trois semaines plus tard, le 23 juin 2015, Marion envoie par l’entremise de son avocat une mise en demeure à Jonathan. Quatre jours plus tard, le 27 juin 2015, Marion dépose devant le tribunal de la Régie du logement une demande de résiliation du bail de son logement, le jugeant impropre à l’habitation à partir du 21 mai 2015. En sus, elle poursuit Jonathan en dommages-intérêts totalisant la somme de 9 600$, représentant le loyer payé à Jonathan depuis la signature du bail et le mois de mai 2015.
FAQ
Marion pouvait-elle quitter le logement par le simple fait qu’il était impropre à l’habitation? Le cas échéant, est-elle dispensée d’acquitter le loyer pour la période pendant laquelle le logement était impropre à l’habitation ?
Dans le présent cas, Marion décida de quitter le logement car il était, selon ses dires, devenu impropre à l’habitation. Au Québec, un locataire est en droit d’abandonner un logement dans de telles circonstances, mais il est nécessaire qu’il avise le propriétaire de l’état du logement avant l’abandon ou dans les dix jours qui suivent, et le locataire qui soumet cet avis n’a pas à payer le loyer pour la période pendant laquelle le logement est impropre à l’habitation, sauf si l’état du logement résulte de sa faute. Or, Marion a omis de soumettre un tel avis d’abandon dans les délais exigés par la loi, le simple fait d’en aviser le concierge des lieux n’étant pas un avis valable puisque celui-ci doit être adressé directement au propriétaire.
Marion peut-elle obtenir une diminution de loyer rétroactive ?
En principe, la résiliation de tout contrat entraîne son anéantissement pour l’avenir seulement, sans effets rétroactifs. Néanmoins, il est possible, dans le contexte judiciaire, qu’un juge décide que le contrat soit résilié à une date antérieure à celle du jugement et imposer une restitution qui peut notamment prendre la forme d’une diminution de loyer rétroactive, si le locataire prouve qu’il a subi un préjudice lié à la cause de la résiliation du contrat depuis une date antérieure au moment de la résiliation. Cependant, pour que le locataire puisse obtenir la résiliation et, si possible, bénéficier d’une diminution rétroactive de loyer, le propriétaire doit avoir été mis en demeure, et c’est le moment auquel le propriétaire fut ainsi constitué en demeure qui est le point de départ pour l’octroi d’une diminution de loyer rétroactive. Or, dans le présent cas, Jonathan, le propriétaire, ne fut constitué en demeure d’aucune manière avant le 23 juin 2015. Conséquemment, Marion ne peut demander cette rétroactivité pour la période antérieure à sa mise en demeure du 23 juin 2015.
Inspiré du jugement Chiarito c. Cours Tudor, 2013 QCRDL 23588