Monique est une étudiante qui vient tout juste de commencer sa maîtrise en psychologie à l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Originaire de Sherbrooke, elle est à la recherche d’un logement à Montréal afin d’y poursuivre ses études. En juillet 2015, elle signe un bail de 9 mois avec Vanessa, propriétaire d’un condominium situé à Montréal, liant les parties au loyer mensuel de 900$.
Toutefois, le père de Monique, Maurice, souhaitait que sa fille s’achète une propriété plutôt que de simplement la louer. Afin de ne pas décevoir son père, Monique demande à Vanessa s’il serait possible de rédiger un contrat de vente qui serait un faux et, parallèlement, un contrat de louage qui, lui, serait le véritable contrat. Vanessa accepte cette demande.
Or, Monique a plusieurs dettes envers différents créanciers. Vanessa se trouve également dans une telle situation, devant plusieurs centaines de milliers de dollars à plusieurs créanciers.
FAQ
Monique et Vanessa peuvent-elle procéder ainsi, c’est-à-dire de rédiger deux contrats afin de cacher la véritable nature du contrat au père de Monique?
Il est nécessaire de comprendre que ce que Monique et Vanessa font ici est ce qu’on appelle en droit la simulation. Lorsqu’il est question de simulation, on retrouve ce qu’on appelle le contrat apparent, lequel est un acte qui ne correspond pas véritablement à ce que veulent les parties. Bref, il s’agit d’un faux. On retrouve également un contrat secret qui, lui, traduit la volonté réelle des parties, appelé contre-lettre. La volonté réelle des parties est donc exprimée dans le contrat secret qu’est la contre-lettre plutôt que dans le contrat apparent. Dans le présent cas, le contrat apparent est le contrat de vente, alors que la contre-lettre est le contrat de louage.
Cette manière de procéder est tout à fait légale. Pour qu’il y ait bel et bien simulation, toutefois, il faut la contre-lettre soit concomitante du contrat apparent, donc qu’ils soient, par exemple, signés simultanément et que les parties se soient entendues sur la nature de chacun des documents. En l’espèce, c’est bel et bien le cas, la simulation étant donc bien réelle.
Par ailleurs, la simulation peut se manifester de trois manières différentes. D’abord, elle peut porter sur l’existence même du contrat, le contrat apparent n’étant, dans ce cas, qu’une illusion visant à faire croire en l’existence d’un contrat qui n’existe pas. De plus, elle peut porter sur la nature du contrat ou sur l’objet du contrat : par exemple, le contrat apparent pourrait correspondre à un certain type de contrat, un contrat de vente par exemple, alors que la contre-lettre, à un autre type de contrat, tel un contrat de louage par exemple. Enfin, la simulation peut aussi porter sur les parties à l’acte. Tel est le cas lorsque, par exemple, une personne figure en tant que partie au contrat apparent, mais c’est une autre personne qui y figure dans la contre-lettre.
Est-ce le contrat de vente ou le contrat de louage qui prévaut entre Monique et Vanessa? Serait-il possible pour Monique ou Vanessa d’invoquer l’un ou l’autre des contrats?
Il ne serait pas possible pour Monique ou Vanessa d’invoquer l’un ou l’autre des contrats puisqu’entre les parties, c’est la contre-lettre qui l’emporte sur le contrat apparent, tel que prévu par le Code civil du Québec. Dans le présent cas, puisque le contrat de louage est la contre-lettre et le contrat de vente est le contrat apparent, c’est le contrat de louage qui prévaut entre Monique et Vanessa.
Si les créanciers de Vanessa et les créanciers de Monique veulent saisir le condominium, lesquels de ces créanciers auront préséance pour la saisie?
Si c’est la contre-lettre qui prévaut entre les parties, il en va autrement à l’égard des tiers. En effet, à l’égard des personnes qui ne sont pas parties au contrat, si elles sont de bonne foi en n’étant pas au courant de la simulation et qu’il y a conflit d’intérêt, dans la mesure où deux tiers se prévalent respectivement du contrat apparent et de la contre-lettre, c’est le choix du contrat apparent qui prévaudra. Ainsi, ce seraient les créanciers de Monique qui auraient préséance dans le présent cas puisqu’il y a conflit d’intérêt entre les créanciers de Monique et ceux de Vanessa qui souhaitent saisir le même condominium. Or, le contrat apparent étant le contrat de vente indiquant que la propriétaire du condominium est Monique en l’espèce, ce sont les créanciers de Monique qui pourront s’en prévaloir.