Julien est un père de famille de deux enfants. Il habite dans un logement situé dans la ville de Québec depuis 2 ans dont Philippe est le propriétaire. Dans le bail, Philippe s’est engagé à réparer la plomberie qui fait défaut. Toutefois, 2 ans après la signature du bail, Philippe n’a toujours pas procéder à cette réparation et Julien en a assez. Un soir, il rencontre Philippe pour discuter de la situation avec lui. Philippe lui affirme expressément qu’il ne procédera pas à cette réparation et envoi promené Julien. Ce dernier ne compte pas en rester là et tient mordicus à ce que la plomberie soit réparée. Quatre jours plus tard, il rencontre Marcel, un ami à lui qui est avocat. Marcel lui dit que pour forcer Philippe à réparer la plomberie, il faudra que ce dernier soit mis en demeure.
FAQ
Dans ces circonstances, Julien doit-il mettre Philippe en demeure ?
Non, Julien n’est pas tenu de mettre Philippe en demeure puisque ce dernier l’est par le seul effet de la loi. En effet, en droit québécois, il existe certaines situations qui, si elles se produisent, la partie en défaut d’exécution d’une prestation sera automatiquement en demeure. Voici l’ensemble de ces situations prévues par la loi, plus précisément par le Code civil du Québec :
- La prestation ne pouvait être exécutée utilement que dans un certain temps que la partie devant l’exécuter a laissé s’écouler sans l’exécuter;
- La partie devant exécuter sa prestation ne l’a pas exécuté immédiatement alors qu’il y avait urgence;
- L’une des parties au contrat a manqué à une obligation de ne pas faire (l’obligation de ne pas faire concurrence à un compétiteur, par exemple);
- La partie tenue d’exécuter sa prestation a, par sa propre faute, rendu impossible son exécution;
- La partie tenue d’exécuter sa prestation a clairement manifesté à l’autre partie son intention de ne pas l’exécuter ou refuse ou néglige de l’exécuter de manière répétée.
Dans le présent cas, Philippe a clairement exprimé à Julien son intention de ne pas exécuter une prestation qu’il s’était engagé d’exécuter dans le bail. Or, par le fait-même, Philippe est automatiquement en demeure. Toutefois, ce sera à Julien, si cette affaire se retrouve devant les tribunaux, de faire la preuve de ce refus, donc qu’il se trouve dans l’une des situations prévues par la loi qui font en sorte que la partie en défaut d’exécution est automatiquement en demeure.
Si Philippe n’avait pas clairement exprimé son refus d’exécuter la prestation qu’il s’est engagé d’exécuter dans le bail, comment Julien aurait-il pu mettre Philippe en demeure?
Contrairement à la croyance populaire, il existe plus d’une manière de mettre une partie au contrat en demeure d’exécuter sa prestation.
La plus connue de ces manières est la soumission d’une demande extrajudiciaire, c’est-à-dire d’un document écrit rédigé par un avocat ou par la personne qui l’envoie. Ce document, qui enjoint la partie en défaut d’exécution d’exécuter son obligation, doit accorder un délai raisonnable à cette partie pour s’exécuter, et c’est à l’échéance de ce délai que la partie qui reçoit le document sera officiellement en demeure. Si aucun délai n’est stipulé dans la mise en demeure, celle-ci n’est pas invalide pour autant. En effet, si jamais l’affaire se retrouve devant un tribunal, un juge peut décider que malgré l’absence de délai prévu dans le document, la personne l’ayant reçu disposait néanmoins d’un délai raisonnable pour exécuter sa prestation. Dans le présent cas, Julien aurait donc pu envoyer une demande extrajudiciaire à Philippe pour le mettre en demeure.
De plus, il est possible, avant de signer le bail, de négocier avec l’autre partie pour y inclure une clause qui assortirait l’exécution d’une prestation à un délai donné. Si la partie qui est tenue d’exécuter cette prestation assortie d’un délai ne l’exécute pas dans ce délai, elle sera en demeure, sans qu’il soit nécessaire de lui envoyer une demande extrajudiciaire. Or, dans le présent cas, Julien n’aurait pas pu se prévaloir de ce moyen puisqu’une telle clause n’a pas été prévue au bail.
Enfin, il est également possible de mettre en demeure l’autre partie au bail par demande judiciaire, donc par une demande en justice formée contre elle. Dès le dépôt de la demande judiciaire, toutefois, la personne en défaut d’exécution dispose d’un délai raisonnable pour exécuter sa prestation. Une fois le délai échu, elle est alors en demeure. Dans le présent cas, Julien aurait également pu avoir recours à la demande judiciaire pour mettre en demeure l’autre partie.
Quels sont les avantages de mettre l’autre partie en demeure?
Toute personne partie à un contrat, incluant un bail, est en droit d’exiger que les prestations qui lui sont dues soient exécutées entièrement, correctement et sans retard. Lorsque l’autre partie n’exécute pas sa prestation alors qu’elle est tenue de le faire, certains recours sont possibles, notamment l’exécution forcée en nature ou la résiliation du bail. Or, pour qu’une personne puisse avoir accès à ces recours, il faut que la partie en défaut d’exécution soit en demeure. Ainsi, la mise en demeure est importante car elle permet d’avoir accès à ces recours. Il est donc tout à l’avantage de Julien que Philippe, son propriétaire, soit en demeure puisqu’il peut se prévaloir, s’il tient absolument à ce que ce Philippe la prestation à laquelle il est tenu, de l’exécution forcée en nature ou de la résiliation du contrat s’il souhaite obtenir l’anéantissement du bail et trouver un autre logement.
De plus, en sus de ces recours, Julien pourrait obtenir des dommages-intérêts s’il a subi un préjudice en raison de l’inexécution de Philippe. Or, pour intenter une action en justice pour obtenir ces dommages, Philippe doit être en demeure, illustrant ainsi un autre avantage de la mise en demeure.